L’expression « malgré-nous » désigne les Alsaciens et Mosellans incorporés de force dans la Wehrmacht, l’armée régulière allemande, durant la Seconde Guerre mondiale, que ce soit dans la Heer (armée de terre), dans la Luftwaffe (armée de l’air), dans la Kriegsmarine (marine de guerre), ou encore dans la Waffen-SS. Les femmes incorporées dans les organisations nazies (RAD, KHD,..) ont été désignées les « malgré-elles. »
Déportés militaires & « Malgré-Nous »
LES ALSACIENS ET MOSELLANS INCORPORÉS DE FORCE DANS L’ARMÉE ALLEMANDE
On doit évoquer les Massacres de la vallée de la Saulx, survenus le 29 août 1944. Cette affaire s’avère peu connue en Moselle et encore moins en Alsace et pourtant, dans le déroulement de ces événements et leurs conséquences dramatiques, des incorporés de force jouèrent un rôle essentiel.
Jean-Laurent VONAU
Professeur émérite de l’Université de Strasbourg, « Article publié le 30 août 2018 »
Le contexte
L’affaire se passa aux confins de la Lorraine, à la limite départementale entre la Marne et la Meuse, à quelques kilomètres à l’Ouest de Bar-le-Duc. En ce mois d’août 1944, la bataille de Normandie est terminée. Les Allemands commencent à refluer vers l’Est et le Nord, pourchassés par les armées alliées. Le 15 août, la 1ère Armée Française a débarqué en Provence en même temps que la 7ème Armée Américaine et toutes deux entament la remontée du couloir rhodanien. Pour ne pas être prises en tenaille ou pire se trouver encerclées, les troupes allemandes remontent au plus vite du Sud-Ouest et du Sud de la France.
Paris est libéré le 25 août. La 3ème Armée Américaine et la 2ème Division Blindée de Leclerc tentent alors de foncer sur les Vosges, objectif Metz et Strasbourg.



L’état-major allemand perçoit le danger et décide de retirer des troupes d’Italie pour couvrir la retraite des unités engagées préalablement en Normandie, qui se dirigent vers l’Est. Le 20 août, on rappelle ainsi depuis Florence, la 3ème Panzer-Grenadier Division, qui doit rejoindre la vallée de la Saulx, à proximité de Bar-le-Duc. Les premiers éléments arrivent sur zone le 26 août. Il s’agit d’une unité motorisée, dotée d’engins à chenilles, de camions et de side-cars pour assurer les liaisons.



Sa mission n’est pas de s’opposer frontalement aux Alliés mais de leur faire croire à une forte concentration de forces ennemies dans ce secteur et donc de les dissuader d’engager immédiatement le combat mais d’attendre des renforts…Le 29ème Régiment de cette division, doit ainsi occuper les villages de la vallée de la Saulx, situés coté Meuse, depuis Robert-Espagne jusqu’à Sermaize-les-Bains, en déployant tout son matériel. Les soldats circulent d’un village à l’autre donnant l’illusion d’être en nombre bien supérieur à la réalité. Constamment de nouveaux détachements de ce régiment arrivent sur zone et prennent position. Tout semble calme jusqu’au matin du 29 août où il se produit un incident aux terribles conséquences.



L’accrochage
Vers 9h 30, a lieu un accrochage entre un groupe d’une dizaine de Résistants et la tête d’une colonne allemande, au lieu-dit la Belle-Epine, à 3 km de Robert-Espagne. Le capitaine qui conduit le détachement, Gehard Wehrmann commandant la 9ème compagnie de ce 29ème régiment aurait ainsi essuyé un coup de feu. A-t-il été touché ? A-t-il été blessé ? Dans l’échauffourée qui s’en est suivie, y a-t-il eu des morts ? On ne le sait pas mais toujours est-il que cet officier prend peur. Paniqué, il décide séance tenante des mesures de représailles. Il veut intimider les maquisards, les tenir à distance et éviter ainsi des embuscades dans l’avenir. Il est vrai que devant lui sur sa gauche, s’étend l’immense domaine boisé que l’on appelle la Forêt des Trois Fontaine qui est truffée de maquis. Des maquis qui ont bénéficié récemment de parachutages d’armes et qui sont épaulés par des éléments du S.A.S. anglais (service armé britannique d’aide aux maquisards). Les Allemands ont déjà subi des sabotages ferroviaires notamment dans la nuit du 27 au 28 août, lorsqu’on constata la rupture de la voie près de la gare de Sommelonne, à proximité de St. Dizier, ce qui bloqua l’arrivée d’un convoi militaire de la 3ème Panzer-Grenadier Division.



Cette dernière attaque fut parachevée par le mitraillage de deux chasseurs alliés intervenant au matin du 28 août. Trente- deux wagons furent ainsi incendiés et mis hors d’usage… Pour calmer les maquis, Wehrmann veut terroriser la population civile afin de les couper de leur base logistique, chose que les Allemands appliquaient déjà en Toscane contre les partisans italiens. Dès lors, il ordonne à ses subalternes et notamment au lieutenant Wilhelm Dauer, que dans les villages, les plus proches du massif forestier, il faut rafler tous les hommes valides entre 15 et 60 ans, les fusiller et brûler les maisons…


