L’arbre de la liberté

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« Par un concours de circonstances et un échange de documents. Je me suis intéressé à l’histoire d’un petit village alsacien se prénommant Harskirchen. Petit village proche du canton de Sarre-Union, (avec un peu moins de 1 000 habitants), habité par un artisan fondeur de cuivre, témoin de l’histoire de Sarre-Union et de l’Alsace Bossue. »

Laurent Boquet

Table des matières

Les pompes à incendie « Grosz & fils »

« Dans un article publié récemment, nous avions étudié « Les pompes à incendie du comté de Nassau-Sarrewerden et de la prévôté de Bouquenom au XVIIIème siècle »(Sous l’ Ancien Régime, la prévôté, ou prévôt royal, est le premier degré de la justice royale. Apparues au XIe siècle, les prévôtés peuvent porter divers noms selon les régions : vicomtés en Normandie, vigueries en Provence, Occitanie ou Catalogne..) La présente étude concerne les pompes à feu de la même région construites au XIXème siècle par une entreprise artisanale dirigée par trois générations d’une même famille de fondeurs de cuivre, témoins de l’histoire et des missions des sapeurs-pompiers volontaires de Sarre-Union, de l’Alsace Bossue et de son voisinage. »

René RATINEAU & Jean-Louis WILBERT

I. « JOHANNES GROSZ, VON HARSKIRCHEN »

(c. 1748-1812)

Une sorte de « Livres de comptes » retrouvé dans un reliquat d’archives familiales avait été tenu à partir de 1792 par Johannes Grosz, fondeur de cuivre et de cloches établi à Harskirchen (chef-lieu du bailliage du même nom appartenant à la maison des princes de Nassau-Sarrebruck). Ce précieux document relié dos et coins cuir donne la liste des communautés pour lesquelles notre ancêtre avait réalisé des cloches ou fabriqué des pompes à incendie.

Johannes Grosz, né vers 1748, était issu d‘une famille de fondeurs de cloches installée au village lorrain d‘Altorff, (Francaltroff, en Moselle), autrefois de la paroisse de Léning-Altorff.

Il avait épousé le 17 novembre 1779, en l’église de Harskirchen, Anne Marie Lahir née en janvier 1761 en ce lieu, fille d’un laboureur. Ce dernier, Nicolas Lahir, né vers 1730, avait le 23 octobre 1766 signé en tête des principaux « bourgeois » de la paroisse le procès-verbal du choix par la communauté catholique de Harskirchen de conserver l’église médiévale jusqu’alors soumise au simultaneum ; procès-verbal rédigé en présence du conseiller du prince de Nassau-Sarrebruck Stutz, du commissaire royal des Limites Mathis, de l’archiprêtre de Bouquenom Séhols et du curé de Harskirchen Jean Guillaume Thomé.

La seconde église réservée à la communauté protestante du bailliage fut édifié dès 1768 par l’architecte nassauvien Dodel.

Sept cloches de 1780 à 1789

Johannes Grosz s’établit dès son mariage à Hardkirchen où le 20 septembre 1780 son fils aîné Frantz (François) fut baptisé. Dans une nomenclature (« Anzeige der Glocken die ich gegossen habe »), où plutôt, de son registre (« Liste des cloches que j’ai fondues »). Avec l’information suivante ; la réalisation de sa première cloche réalisée pour l’église de Butten (Nassau-Sarrebruck) est d’un poids de « 6 zentner » (équivalent à 300kgs), et qu’elle date du 21 août 1780.

Le 4 septembre suivant, celle pour Ratzwiller (un des trois villages de la seigneurie de Die-Merigen) pèse « 1 zentner » (environ 50 kg).

Le 27 juin 1782, deux cloches, l’une de « 8 zentner 72 pfunf 3/4 » (environ 472 kg) et l’autre de « 2zentner 10pf.3/4 » (environ 105 kg) sont fondues pour les communautés de Keskatel et de Burbach (villages aux Nassau-Weilbourg). En juillet 1783, deux cloches sont destinées aux églises d’Asswiller (seigneurie d’Asswiller) et de Freybouse (province de Lorraine). Pour Baerendorf (Nassau-Sarrebruck), la fonte aura lieu le 11 novembre 1789.

Neuf Pompes à incendie de 1787 à 1798

Sous le titre en cursives latines « Anzeige der Feuer Spritzen die ich gemacht habe » (« Présentation des lances à incendie que j’ai fabriquées »). Johannes Grosz énumère les pompes qu’il construisit à partir de 1787 jusque vers 1798 pour les villages de Wolfskirchen (Nassau-Sarrebruck), de Burbach (Nassau-Weilbourg), de Dehlingen (seigneurie de Diemeringen), de Berthelming (département de la Meurthe, de Voellerdingen (N.-W.), et de « Berg und Thal », communautés près de Drulingen (N.S.).

La cursive latine est une forme d’écriture manuscrite qui a été pratiquée dans la Rome antique et jusqu’au Haut Moyen Âge. Elle se caractérise par des lettres liées entre elles pour une écriture rapide et fluide.

Il réalisa aussi des pompes à feu pour « Dilling » et le « Dillinger Schloss » (ville sarroise de Dillingen et son château), de même que pour « Ranschbach », l’actuel Heckenransbach (hameau d’Ernestviller, près de Puttelange).

Historique de la pompe à feu

En 1789, au cœur de la Révolution française, les pompes à feu ont joué un rôle significatif. Voici quelques éléments intéressants à leur sujet :

  1. Pompes à Feu:
    • Les pompes à feu étaient des machines à vapeur utilisées pour pomper de l’eau. Elles ont été mises en place dans divers contextes, notamment pour l’approvisionnement en eau et la lutte contre les incendies.
    • À Paris, en 1777, les frères Périer, fondateurs de la Compagnie des Eaux de Paris, ont installé deux pompes à vapeur (également appelées pompes à feu) sur les rives de la Seine. Ces pompes puisaient de l’eau dans le fleuve pour la redistribuer 1.
  2. Incendie des Pousses:
  3. En somme, les pompes à feu et les questions liées aux armes ont été des sujets importants pendant cette période révolutionnaire. Elles reflètent les défis et les changements de l’époque.

Les dernières cloches fondues par Johannes grosz avant la réunion à la République française des villages d’Empire furent réalisées les 20 mai et 12 juin 1792 pour Diedendorf et « Berg und Thall » (Nassau-Sarrebruck).

Devant faire crédit à sa clientèle, « Johannes Grosz von Harskirchen » traça sur la dernière page de son « Livre de comptes », « den 28ten Maÿ 1792 » ( un lundi de Pentecôte), un tableau indiquant les intérêts à 6% l’an – en gulden, schilling et pfennig – de sommes allant de 1 jusqu’à 500 gulden pour des périodes d’un an, d’un mois ou même d’une semaine.

En 1852, un dénombrement administratif relèvera le médiocre état des pompes de Burbach et de Voellerdingen et le bon état de celles de Wolfskirchen er de Dehlingen. La pompe de Berg sera simplement signalée. Encore de nos jours, Ernestviller possède une ancienne pompe cependant très transformée.

Sous la IIème République, ces engins cités témoignaient-ils du savoir-faire de Johannes Grosz?

L’arbre de la liberté de Harskirchen

L’arbre de la liberté est un symbole de la liberté, depuis la période de la Révolution française. Il symbolise aussi en tant qu’arbre de la vie, la continuité, la croissance, la force et la puissance. Il est devenu au cours du xixe siècle un des symboles de la République française avec la Marianne ou la semeuse. Il figure depuis 1999 sur les pièces françaises d’un euro et de deux euros.

Plantés, en général dans l’endroit le plus fréquenté, le plus apparent d’une localité, comme signes de joie et symboles d’affranchissement, ces végétaux devaient grandir avec les institutions nouvelles.

Parmi les événements de cette époque, Johannes Grosz note une action lui paraissant mémorable : « Den 26ten October 1792 den Freÿheits Baum geplantz […] […] in Harskirchen » (Le 26 octobre 1792, l’arbre de la Liberté est planté […] […] à harskirchen).

« La Carmagnole, Gravure colorisée, (Musée Carnavalet, Paris) »

Chanson « La Carmagnole » 1792

Mais près de quatre plus tard, en mai 1796, après une violente tempête, il efface deux mots de sa phrase concernant la plantation de l’arbre de la Liberté à laquelle il avait peut-être participé, et sur-ajoute en manière d’excuses : « Das haben die Zeith gethan » (C’est l’époque qui l’a voulu). Il terminera par « Und den 25ten Maÿ 1796 hatt ihn der Wind ungeschmieschen und dass hat Gott gethan » (Et le 25 mai 1796 le vent l’a flanqué par terre, et ceci Dieu l’a fait).

En décembre 1793, Johannes Grosz et Nicklaus Lahir, son beau-père, figuraient sur la liste des 177 citoyens « votants » de Harskirchen, convoqués pour nommer « les électeurs » qui désignèrent à leur tour les administrateurs et juges du district crée de Neusaarwerden (3).

Avec l’aide de François son fils et apprenti, Johannes Grosz ne put reprendre la fonte de cloches – interdites de sonneries religieuses pendant la Révolution – qu’en septembre 1797 pour Sarraltroff (à l’époque, département de la Meurthe) avec un poids de « 10 zentner »(500 kg), et pour Hirschland (Bas-Rhin), « 10 zent. 62pf. »( 7 800kgs), le 18 du mois suivant.

II. JOHANNES ET FRANCOIS GROSZ, DE « SAARUNION »

Vers 1799, le fondeur Johannes Grosz quitta Harskirchen pour s’établir en la ville de Sarre-Union où il avait acheté une maison composée d’un rez-de-chaussée, d’un étage avec quatre chambres plus grenier, cave, écurie, annexe et dépendances sise dans « la rue près de la fontaine, au croisement d’une rue ». Selon la légende familiale, cette maison aurait été située au fond de l’actuelle « impasse des Echasses ».

Le père et son fils fabriqueront à l’aide de matrices sculptées dans du bois dur et de moules de plomb toutes sortes d’objets en cuivre qui étaient du domaine des fondeurs de cloches : bougeoirs, éteignoirs, mouchettes, gonds, ferrures d’armoires, garnitures, pentures, pommelles, châtelaines.

Egalement des plaques de giberne pour sapeurs-pompiers, des poignées, heurtoirs, entrées de serrure, boucles et anneaux, chenets, chandeliers, bénitiers, clochettes, encensoirs, etc. Par exemple, nous pouvons mentionner qu’à la date du 15 mars 1802, le trésorier de la fabrique de la paroisse Saint-Georges de Bouquenom avait « payé à Jean Gros, fondeur, pour un crucifix neuf de cuivre, 10 livres, et à Jean Linz, menuisier, pour la croix, 4 livres 10 sols » (4).

La giberne est un élément essentiel de l’uniforme des sapeurs-pompiers. C’est une plaque en laiton estampée d’une grenade entourée de branches de palmes, montée sur son cuir d’origine d’une hauteur et d’une largeur de 74 mm.

Dans son atelier de Sarre-Union, Johannes Grosz préparera cinq fontes de cloches : en octobre 1800 pour l’église Saint-Martin de la ville de Sarralbe (d’un poids de « 15 zentner 50 pf. » 5 500kgs) ; en mars 1803 pour remplacer la cloche, réalisée par lui-même en 1783 et depuis vraisemblablement réquisitionné, de l’église dAsswiller : en juillet 1803 pour Bining (près de Bitche) et Hangwiller (ex comté de La Petite-Pierre) et en juin 1804 pour la collégiale de « Alt-Saarwerden » ; la dernière de cette série pesant « 6 zent. 1 pfund »(600 kgs).

Incendie en avril 1801 à Lorentzen

Pour indemniser un sinistré de Lorentzen, la commune de Voellerdingen « a donné gratuitement un tronc de 50 pieds cubiques de bois de construction )à Georg Nehlig, de Lorentzen, dont la maison avait brûlé dans la nuit du 26 au 27 germinal » (14 au 15 avril 1801). Le bois provient de la forêt communale, avec le consentement du conseil motivé par le fait que Georges Nehlig avait de la famille dans le village (5).

Rendu prévoyant, le 8 floréal an IX (27 avril 1801), le conseil municipal de Voellerdingen donne « l’ordre au citoyen Félix Lotz, ramoneur de Lixheim, de ramoner les cheminées trois ans durant dans notre commune et à la ferme de Lutterbach« . Le ramoneur de la Meurthe devait en plus vérifier les cheminées et voir si elles étaient sans défaut. Vers 1790, Johannes Grosz avait fabriqué une pompe pour ce village de Voellerdingen.

La pompe à feu de Keskastel de 1801

En 1801, Johannes Grosz construisit une pompe d’incendie pour Keskastel, où trois incendies avaient eu lieu en 1777 et 1778. Remisée dans un hangar de la commune, elle vient d’être « redécouverte » ainsi que sa lance en cuivre. Si cette pompe n’est plus en état de fonctionnement, elle passe pour être la plus ancienne pompe « Grosz » dans son état original encore visible dans la région.

La pompe d’Altwiller de 1802

La commune d’Altwiller possède deux machines anciennes remisées dans un dépôt du corps des sapeurs-pompiers.

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“Malheureusement, l’arbre de la liberté n’a pas été remplacé durant la Révolution française. L’histoire a eu raison de sa présence. Quelques années plus tard, il refait surface dans un contexte différent. À l’occasion de la fin de la Première Guerre mondiale, le premier Arbre de la liberté fut planté en 1918 par les Américains pour symboliser la libération de l’Alsace.

Pendant la Seconde Guerre Mondiale, il servait de repère aux passeurs pour le passage des prisonniers qui s’évadaient de l’Alsace occupée afin de rejoindre la France libre.

Laurent Boquet

L’arbre de la Liberté

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