“La voiture électrique est un piège”

François-Xavier Pietri : “La voiture électrique est un piège”

Dans un ouvrage percutant, François-Xavier Pietri, ancien chef du service économique de TF1, dénonce l’obsession du gouvernement pour le tout-électrique, un danger écologique, économique et social selon lui.

Par Mickaël Fonton

Publié le 29 octobre 2022

François-Xavier Pietri. 

La scène s’est produite à l’été 2020 ; j’arrive à Bastia, il fait une chaleur terrible et, sur le parking de l’aéroport, une file s’allonge devant la boutique de location de voitures Hertz, où les employés parlementent avec les clients. Je comprends bientôt pourquoi : les voyageurs qui ont loué une voiture de classe A – par exemple, une Fiat 500 – se retrouvent avec une Zoe, qui est bien une voiture de classe A mais électrique. Or, en Corse, l’été, la batterie d’une voiture électrique se décharge à toute vitesse : adieu les petites routes de montagne et même la climatisation. J’ai retrouvé, quelques jours plus tard, un couple qui avait hérité d’une Zoé, ils m’ont dit : « Ça a été un enfer. » Ils ont passé leurs vacances les yeux rivés sur la jauge de leur batterie. Je me suis alors rendu compte que ce qui était imposé à quelques milliers de touristes allait bientôt constituer la réalité pour 450 millions d’Européens et je me suis dit : “Il y a un gros problème. ” La voiture électrique est un piège. Il faut tout calculer, tout mesurer, c’est la fin de la liberté.

Le club VA

https://youtu.be/481YBmw9pY0

Alors que l’Europe vient de confirmer la fin des moteurs thermiques en 2035 et que la France se lance dans l’extraction de lithium, le journaliste économique publie un essai aussi documenté qu’accablant sur les voitures électriques. Il dénonce notamment une précipitation politique aux terribles conséquences économiques, environnementales et sociales.

https://www.corsematin.com/localite/france-monde

“Avec la voiture électrique, on oppose les riches aux pauvres”, François-Xavier Pietri

Vous estimez que la stratégie du tout électrique va nous mener droit dans le mur. Pourquoi ?

Mon enquête montre que la décision de ne plus vendre de moteurs thermiques, prise par Bruxelles, est une décision uniquement politique qui n’a pas mesuré les conséquences indirectes de ce choix, tant sur le plan social que sur le plan environnemental. C’est une option de facilité, car cette décision est binaire. Elle a acté un objectif zéro émission de CO2 en 2050 et ensuite elle a regardé comment y parvenir. Transformer l’aviation ? Pas possible du jour au lendemain. Transformer les industries ? C’est extrêmement complexe. Transformer l’agriculture ?, qui produit aujourd’hui plus de CO2 que l’automobile (20 % du rejet global contre 15,7 %). Trop compliqué, surtout en France. On a donc choisi le secteur où c’était le plus simple, l’automobile. Car il n’est pas compliqué de transformer un moteur thermique en moteur électrique. On n’a pas laissé le choix aux constructeurs de finir leurs recherches, alors qu’ils travaillaient sérieusement sur des moteurs ultra-performants à essence qui consommaient deux litres aux 100 km et à très faible émission de CO2. Du jour au lendemain, on a tout arrêté ! D’un point de vue stratégique et industriel, c’est un recul extraordinaire.

Les constructeurs considèrent tous que l’électrique est une folie…

Oui, mais ce passage à l’électrique, à marche forcée, est aussi pour eux un moyen de se racheter une conduite après le scandale du dieselgate, et de tourner la page du diesel. Surtout que les investissements nécessaires vont être très rentables. Les gros constructeurs sont plutôt organisés pour muter, d’autant qu’il ne faut que trois personnes pour fabriquer un moteur électrique contre cinq pour un moteur thermique. C’est un abaissement de leur coût qui passe par des baisses d’effectifs. J’ajoute que les véhicules électriques sont vendus beaucoup plus chers, donc à plus forte valeur ajoutée. Chez Renault, quand on vend une Zoé 32 000 euros, on ne fait pas la même marge que lors de la vente d’une Clio à 19 000 euros ! Mais les constructeurs demeurent effectivement plus que dubitatifs sur l’électrique. Ils savent tous les problèmes que cela va engendrer, mais comme ils n’ont pas le choix, ils foncent !

Vous opposez la liberté de l’automobile à la contrainte de l’électrique. Pourquoi ?

Sur l’usage du quotidien, en ville, l’électrique ne pose pas de problème, à condition bien sûr que l’on puisse recharger chez soi. Dès que vous entrez dans le trajet long, notamment celui des vacances, vous perdez intégralement votre liberté. La liberté qui consistait à aller là où on voulait, c’est fini. D’abord parce que les batteries se déchargent beaucoup plus vite qu’annoncé. La moyenne d’autonomie d’une batterie en France est de 300 km et de 550 km pour un moteur thermique. Compte tenu des nombreux et importants problèmes de recharge, vous commencez à vous inquiéter dès que vous êtes à moitié, en cherchant la borne et en la réservant. Sachant qu’il y a en France 700 opérateurs de borne de recharge pour 1 300 contrats différents et des tarifs allant du simple au quintuple ! C’est une jungle privée dont on pense qu’elle se régulera par la force des choses. Sur l’autoroute aujourd’hui, il faut compter 15 euros pour faire 100 km avec une Renault Zoé contre 10 euros pour un moteur essence ou diesel, au prix haut actuel du litre d’essence. Tesla a triplé en deux ans le prix de ses chargeurs sur autoroute.

L’aide de l’État aux particuliers ne cache-t-elle une plus sombre réalité, à savoir le coût incompressible des matières premières qui composent une batterie ?

Ce qui me choque le plus, c’est la manière dont on oppose les riches aux pauvres. Une voiture électrique est près de 50 % plus chère que son équivalent thermique. La majorité des Français ne peut pas se payer de voiture électrique. Quand Carlos Tavares, déclare que les prix vont s’aligner, cela se fera hélas à mon avis par le haut car il n’y a aucune raison pour que le prix du lithium, du cobalt et des terres rares ne baisse. Ces matières premières sont en plus entre les mains de très peu d’acteurs qui vont donc maintenir les prix élevés. Sur le premier quinquennat d’Emmanuel Macron, l’État a dépensé cinq milliards pour l’aide à l’achat de véhicules électriques. Autre équation à résoudre, celle des taxes sur les carburants qui rapportent 40 milliards par an. En passant au tout électrique, il va bien falloir trouver ces 40 milliards quelque part…

Plus la voiture est chère, plus elle dispose d’autonomie. Ce qui signifie que seuls les riches peuvent aller loin ?

C’est un vrai changement d’appréciation. Avant, une voiture chère était une voiture puissante aux finitions luxueuses. Aujourd’hui, acheter une voiture chère, c’est effectivement acheter une voiture qui va plus loin. Il est sidérant de constater que le plein d’une Zoé sur autoroute coûte plus cher que celui d’une Porsche Taycan électrique ! Les chargeurs de la Porsche étant tellement plus puissants chargent beaucoup plus vite. Et sur l’autoroute, la recharge est souvent facturée à la minute et non pas à la puissance chargée. Dans l’électrique, la discrimination par le prix joue à plusieurs niveaux. Exclure des centres-villes les gens qui roulent en voiture diesel est aussi une discrimination qui repose sur les revenus. Celui qui n’a pas les moyens est interdit de circuler.

On comprend enfin, en vous lisant, que le tout électrique n’est pas forcément une bonne nouvelle pour l’environnement…

Quand la voiture électrique arrive sur le marché, elle affiche déjà un déficit écologique qui provient de sa fabrication. L’exploitation du cobalt au Congo est très polluante et se fait dans des conditions indignes, avec notamment des enfants qu’on paye un dollar par jour. Ces mines sont détenues à 80 % par les Chinois. Pour faire une tonne de lithium, il faut un million de litres d’eau. Cela veut dire que pour une batterie, il faut la consommation d’eau annuelle de 500 personnes ! Il y a plein de lithium en France, ce n’est donc pas un problème de ressource, mais un problème d’eau. Le second volet, c’est la pollution liée à l’utilisation même du véhicule électrique. En Pologne, qui est concernée par cette décision européenne, 70 % du mix électrique est constitué par le charbon ! En Corse, 100 % de l’électricité étant produite grâce au fioul, cela veut dire que vous faites le plein de votre voiture électrique au fioul. Le troisième volet sera celui du recyclage des batteries. Et c’est tout sauf simple, car il faudra enfouir. Il y en aura 7,5 millions à recycler en France

Par: Samuel Ribot Publié le: 30 octobre 2022 dans l’éditorial Corse Matin

Commentaires

antoinelaw

Publié le 02.11.2022

Le saviez-vous ? Questionnant mon concessionnaire sur l’autonomie d’un modèle électrique tractant une caravane ou une remorque, il m’a répondu : ne rêvez pas, le constructeur refuse le montage d’une tête d’attelage pour des questions de sécurité des batteries en cas de choc arrière. Par ailleurs le montant des taxes perçues par l’état sur le carburant sera inévitablement appliqué sur les recharges électriques dès que le parc sera suffisamment conséquent.

cabanasse

Publié le 01.11.2022

Une batterie à une durée de vie entre 7 et 10 ans au maximum, voir le cout pour le remplacement. Pour les plus petites il faut compter 7000 Euros au minimum et jusqu’a 3 fois plus pour un véhicule haut de gamme. ça fait réfléchir. Et quel prix tirer de la revente de la voiture quand l’âge de celle-ci avoisine la fin de vie de la batterie?

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